Vélorution rêv'olutionaire sherbrookoise
(partie 1 de 8)
par Sylvain Bérubé et Julie Dionne
Ce fut un évènement tout à fait inattendu. Les gens qui s'en rappellent mettent un point d'honneur à le souligner : le dernier vendredi d'avril 2009, personne n'aurait pu prévoir ce qui allait se passer un mois plus tard. Certains prétendent avoir senti de l'électricité dans l'ère de cette session universitaire, mais ce n'est que lorsque que la deuxième semaine de mai fut bien entamée qu'on commença réellement à remarquer que quelque-chose se passait. Ce fut d'abord ces quelques cyclistes qui empruntèrent l'autoroute, et les automobilistes qui décidèrent de les escorter. Puis la diminution drastique des voitures. On pensa d'abord aux vacances (Tiens! Tout le monde à devancer ses vacances cette année, quelle drôle d'idée!) puis au prix insensé de l'essence. Le 25 mai 2009, après une fin de semaine particulièrement enseoleillé, la ville dû se résigner à céder une voie aux cyclistes au centre-ville : le trafic automobile ne justifiait plus qu'un tel espace leur soit réservé.
Ce sont les seules prémisses aux évènements du vendredi 29 mai 2009. Ce matin là, la victoire du lundi précédent avait semblée difficile à égaler, on chuchotait dans certains lieux politiques que c'était la fin du mouvement contestataire cycliste, qu'il se contenterait de cette décision. Aussi, la surprise fut grande lorsque vers 17h00, on constata que la rue Belvédère était littéralement couverte de cyclistes. La vélorution, cette manifestation où les optimistes attendaient 200 personnes, rassemblait au moins 10 000 deux-roues. Et ils continuaient d'arriver, par grape de deux, de trois ou par familles entières, se saluant, s'embrassant et embrasant le Lac des Nations dans ce coin. Le carrefour Belvédère-King Ouest se transforma rapidement en une grande place ou les gens discutaient calmement. Puis vers 17h30, le cortège roulant s'élança lentement. Vingt minutes plus tard, des cyclistes en queue de peloton se trouvaient toujours au point de départ, attendant que la file s'étire.
Les cyclistes de tête furent les seuls à assister au grand rassemblement. Au coin King Ouest - Wellington, un autre peloton se fusionna à la meute. On s'interrogea d'abord sur la provenance des cyclistes, puis une banderole les informa qu'une délégation Montréalaise, encore plus nombreuse que la locale, se joignait à eux. Ensuite un vent de folie commença à souffler. Québec, Rimouski, St-Donat, Chicoutimi, Matane, St-Ephrem-de-Beauce, Ottawa, New York, Vancouver, San Fransisco, Mexico, … puis on perdit le compte. Des sons qu'on avait jamais entendus résonnaient sur les pavés de Sherbrooke, se mêlant au roulement inlassable des bicyclettes. Et on roula, on roula … Quand les rayons du soleil apparurent le lendemain matin, les cyclistes sillonnaient encore la ville, et le ruban de bicyclettes s'étendait, de Lennoxville au Vieux Nord, de Rock Forest à Fleurimont, du mont Bellevue au sanctuaire de Beauvoir. Pas une rue n'échappait à la vélorution. On nomma ensuite cette soirée la vélorution révolutionnaire.
Quand les gens décidèrent qu'il était temps de dormir, on installa des tentes en bordures des routes, puis on mangea grâce à la générosité de certains commerçants locaux sympathiques à la cause, et on dormit. Des musiciens en monocyles, qui étaient sortis d'on ne sait trop où, zigzaguaient entre les campements.
Le reste de la fin de semaine fut à l'image de cette nuit mémorable, une célébration grandiose du vélo où une centaine de milliers de cyclistes s'approprièrent l'espace public. Puis la vélorution révolutionnaire fit place à la révolution vélorutionnaire.
[la suite en octobre 2008]
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